Peinture fraîche, Chloë Ashby

Peinture fraîche, Chloë Ashby

Une évidence… Dès le début de ma lecture, je suis allée contempler le portrait de Suzon par Manet (pas dans la galerie de l’Institut Courtauld à Londres, même si j’aurais bien aimé, juste sur mon écran en grand format, ce qui est déjà pas mal…).

Il y a dans cette scène une foultitude de détails qui désoriente l’observateur aguerri, car même sa structure semble étrange… Je comprends qu’on puisse se noyer dans ce tableau, son histoire semble infinie (Un bar aux Folies Bergère est aussi la dernière grande œuvre du peintre).

Je vous encourage à y jeter un œil pour mieux comprendre Eve, l’anti-héroïne de Chloë Ashby.
Complètement borderline et perdue entre ce tableau, son travail de serveuse (qu’elle cumulera bientôt avec un autre job plus insolite en passant de spectatrice à modèle nu pour un atelier d’art), les souvenirs d’une enfance chaotique (mère volatilisée, père qui a sombré dans l’alcool) et la perte de sa meilleure amie dont elle ne s’est jamais vraiment remise…

J’ai éprouvé une affection croissante pour cette jeune femme complètement paumée, voleuse compulsive d’objets inutiles, spectatrice de sa vie car coincée dans un passé qui l’empêche de se construire au présent (elle a d’ailleurs abandonné ses études suite au décès de son amie).

Impossible de prendre des décisions, impossible de sortir les mots qui restent coincés dans la gorge (même quand ils seraient nécessaires pour son bien-être moral ou son intégrité physique), impossible d’expliquer aux autres le chamboulement intérieur, impossible de trouver le soutien familial qui pourrait reconstruire.

Chloë Ashby n’est pas seulement écrivain, elle est aussi critique d’art et forcément cela imprègne son récit, lui donne toutes ses nuances et cette douceur mélancolique. Un beau roman plein d’émotions.

Retrouvez plus d’infos sur le site de l’éditeur

  • Résumé :

« Ces yeux lourds, cette frange irrégulière. Bloquée derrière son bar… Serait-elle à un tournant de sa vie qu’elle est incapable de négocier ? »
Quelque chose dans le portrait de Suzon, peinte par Manet en 1882, fascine Eve, serveuse dans un restaurant de Londres, qui vient la retrouver chaque mercredi à la galerie Courtauld. Le jour où elle rend son tablier après s’être fait caresser la cuisse par un client, c’est à nouveau vers Suzon qu’elle se tourne, retardant le moment de rentrer dans l’appart un peu crade qu’elle partage avec un couple. Le moment de penser à son père et à sa canette de bière, à sa mère qui les a abandonnés. De refouler à coups de gin-tonic les souvenirs de Grace, son amie perdue… Alors qu’elle sort du musée, une annonce attire son attention : recherche modèle vivant pour cours de dessin. Eve a un loyer à payer et se lance. Les choses semblent s’améliorer – pourtant Eve continue de sombrer. Ce qui l’a menée sur un quai de gare, les pieds à quelques centimètres du drame, c’est à sa psy qu’elle le confiera.

Peinture fraîche, Chloë Ashby

  • Ressources supplémentaires :

Suzon dans Un Bar aux Folies-Bergère de Manet.

Un Bar aux Folies-Bergère (1882). Courtauld Gallery, London

Je fais partie du jury du Prix du meilleur polar des Éditions Points.
Vous pouvez découvrir ici mon retour sur Gueules d’ombre de Lionel Destremau qui fait partie de la sélection…

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