Un essai intime et important d’Estelle-Sarah Bulle pour faire taire le racisme et notamment la discrimination capillaire…
Si vous pensez que ce roman va vous parler de platitudes capillaires, vous n’y êtes pas du tout !
Ce livre utilise ce biais pour évoquer tout ce qui est important, dont en premier lieu, le racisme et la pression sociale dont Estelle-Sarah Bulle a été victime au travers des remarques incessantes sur ses cheveux crépus… Et c’est loin d’être une question anodine !
Tout commence par une résidence d’écriture un peu particulière, auprès de lycéens du CAP coiffure à Maryse Condé, a priori pas le public le plus facile pour ce style d’exercice littéraire (la plupart n’ayant pas forcément d’appétence pour les études classiques ou les cours de français… il va falloir leur montrer qu’ils ont tort, car ils ont aussi des choses à dire !).
Mais pour Estelle-Sarah Bulle, cette rencontre est aussi l’occasion de se plonger dans une histoire personnelle, qui est surtout l’histoire d’une émancipation qui l’a conduite à devenir une écrivaine qui s’engage et une femme qui s’assume.
De son enfance à Créteil dans les années 70, elle garde la trace des éternels questionnements sur la façon dont il a fallu dompter sa chevelure.
Un « problème » qui prend racine très tôt : née d’un père guadeloupéen et d’une mère du nord-est de la France, cette dernière n’avait pas forcément les « bons codes » pour coiffer sa fille « comme il aurait fallu » et on se chargeait bien de le lui faire remarquer à l’école ou en famille…
Des cheveux toujours « trop » : trop volumineux, trop crépus, trop difficiles… qu’il faut canaliser, éclaircir, lisser pour se conformer à l’image qu’attend la société française et entrer dans le moule de force (c’est particulièrement vrai dans le monde du travail ou dans certaines grandes écoles, comme si les cheveux afro étaient synonymes de négligence et devaient forcément être lissés pour que la personne puisse y être « assimilée »).
Des remarques blessantes, racistes qui ont sans doute aussi forgé cette écriture de l’intime et une force qu’on sent jaillir de la plume et surtout de ses cheveux qui ne veulent plus être contrôlés !
Un excellent essai à lire absolument pour faire taire la discrimination, notamment capillaire, même si aujourd’hui de plus en plus de femmes afro-descendantes revendiquent de porter leurs magnifiques cheveux au naturel, il reste encore du chemin à faire pour changer pleinement notre société.
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Résumé :
Être métisse aux cheveux crépus est-il un atout pour devenir écrivaine en France ? Cela ne va pas de soi. Il a fallu grandir en banlieue parisienne et s’ennuyer beaucoup. Il a fallu naviguer entre la Guadeloupe et la frontière franco-belge, avec une sensation d’étrangeté où qu’on aille. Il a fallu affronter le racisme de l’enfance à l’âge adulte et intégrer les normes sociales d’un pays où,consciemment ou pas, l’idéal reste la blondeur. Il a fallu les livres et Michael Jackson. De rencontres inattendues à Maryse Condé, d’une résidence d’écriture auprès de lycéens en CAP Coiffure à “Poil de Carotte”, Estelle-Sarah Bulle parcourt les chemins de notre imaginaire en même temps qu’elle retrace sa propre voie vers l’écriture. Dans ce récit aussi politique que poétique, tressant observation mordante et style velouté, elle montre combien le cheveu est, pour les grands auteurs comme pour de jeunes rêveurs, un thème propice à l’écriture, aux métaphores et au récit des non-dits de toute une société.
Découvrir ma chronique du livre Le meilleur est à venir de Patricia Hespel aux Éditions Academia