3ème et 4ème générations après : que reste-t-il de la Shoah ? Quel regard et quels devoirs de mémoire portent les générations actuelles sur cette histoire cataclysmique ?
La Fondation pour la Mémoire de la Shoah a soutenu le projet de cet album graphique ambitieux qui peut être lu à partir de 12 ans.
Contrairement à la thématique exposée qui est forcément lourde et éprouvante, cet album est graphiquement haut en couleurs et le revendique !
Mikhaël Allouche et sa femme Ana Waalder se sont penchés sur leurs histoires personnelles pour nous donner à voir un album autobiographique qui transcende le temps et les générations.
Ils le font à travers le personnage de M. Gouevo, homme sans visage, à tête d’œuf (ce serait d’ailleurs la signification de son nom), qui ne sait rien de son passé et ne sait pas, de même, de quoi sera fait son futur.
Il ne peut pas et ne veut pas se poser en victime, d’ailleurs il pense réellement que dans sa famille on n’a pas « trop » souffert de la Shoah, qu’il n’y aurait pas eu de déportés, comme si finalement cette histoire ne le concernait pas totalement…
Il va bien sûr découvrir qu’il se trompe lourdement, mais que faire de ce poids indicible ? Comment guérir d’un événement qu’on n’a pas soi-même vécu et que souvent, les arrière-grands-parents ne veulent même pas évoquer (dont ils ont même cherché parfois à effacer les traces) !
Sortir du statut historique de victime, défaire les nœuds, rendre hommage sans s’enliser dans le passé, comprendre que les victimes font partie de nous mais ne sont pas nous, importance capitale de la transmission…
Cette bande dessinée très originale parle à tout le monde, il n’est pas nécessaire d’être juif pour l’appréhender, elle donne des clés pour comprendre et accompagner toutes nos tragédies intimes, familiales, historiques et il y a du boulot ! C’est celui des générations actuelles.
Les auteurs vont d’ailleurs évoquer les événements du 7 octobre et les amalgames (notamment autour de la Shoah) qui ont pu être faits à cette dramatique occasion.
Un album hautement nécessaire !
Retrouvez plus d’infos sur le site de l’éditeur
Résumé :
M. Gouevo est un homme sans histoire et sans visage. Il ne sait rien du passé et ne souhaite pas en savoir davantage, jusqu’au jour où un pirate juif ottoman débarque du XVIe siècle et le renvoie à ses obligations : guérir de la Shoah. Mais la Shoah n’est pas une maladie, et puis, quel rapport avec sa famille, puisqu’elle est passée entre les gouttes ? À travers une enquête historique et familiale, Mikhaël Allouche et Ana Waalder explorent les espoirs et les tourments des 3e et 4e générations après la Shoah. Ils envisagent un dialogue intergénérationnel, inventif et salvateur pour se défaire du statut de victime et tenter de remédier à cette fièvre de l’époque, qui use et abuse du vocabulaire de la Shoah. Un essai graphique fascinant, totalement universel, sur les enjeux de la mémoire et les questions identitaires qui traversent les générations.
Découvrir ma chronique du livre de Estelle-Sarah Bulle : Histoire sentimentale de mes cheveux, publié dans la collection Bayard récits.
