Un homme sans titre, Xavier Le Clerc

Un homme sans titre, Xavier Le Clerc aux Éditions Gallimard

Xavier Le Clerc raconte son père, kabyle arrivé d’Algérie en 1962 pour usiner dans le secteur de la métallurgie en Normandie.

Ce livre est un hommage à ce père qu’il n’a pas suffisamment compris et dont il peut aujourd’hui interpréter les silences, parfois même la violence, à l’aune de son éveil intellectuel, de sa connaissance de Camus…
Xavier Le Clerc est né Hamid Aït-Taleb, il a donc francisé son nom, il s’agissait pour lui de pouvoir s’épanouir socialement sans la contrainte d’un nom qui dessine une identité à laquelle il faudrait absolument toujours se conforter (à noter que ce changement a positivement changé la façon dont on le percevait, puisqu’au final, cela lui a plutôt bien réussi quand on se penche sur sa biographie…).
Ce geste assumé et puissant signe pour l’auteur non pas une nouvelle naissance, une déchirure qui effacerait ce qui a été, mais, se place a contrario dans une sorte de continuité, sans doute plus facile à vivre (il l’explique très bien dans ce livre, même son prénom est un clin d’œil inconscient) et surtout, il ne renie en rien son héritage amazigh.
Pour couper court aux critiques, il a d’ailleurs signé un autre livre sous son nom de naissance cette fois.
Les écrits de Camus sont le fil conducteur de cette rencontre père-fils, ainsi, l’auteur distille tout au long de son livre les témoignages de Camus sur le sort des Kabyles en Algérie.
La lourdeur des silences paternels, les accès de colère prennent alors tout leur sens, quand on sait l’extrême dénuement et la violence qui régnait dans les montagnes d’Algérie, et la manière dont ensuite été accueillis ces exilés, on comprend mieux les réactions de son père face à ce fils trop éloigné de cette vérité-là…
Injustice, un goût de sang, voilà ce qui me vient naturellement à la bouche après cette lecture rude et bouleversante.

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  • Résumé :

« Si tu étais si attaché à ta carte d’ouvrier, c’est sans doute parce que tu étais un homme sans titre. Toi qui es né dépossédé, de tout titre de propriété comme de citoyenneté, tu n’auras connu que des titres de transport et de résidence. Le titre en latin veut dire l’inscription. Et si tu étais bien inscrit quelque part en tout petit, ce n’était hélas que pour t’effacer. Tu as figuré sur l’interminable liste des hommes à broyer au travail, comme tant d’autres avant toi à malaxer dans les tranchées. »

En lisant Misère de la Kabylie, reportage publié par Camus en 1939, Xavier Le Clerc découvre dans quelles conditions de dénuement son père a grandi. L’auteur retrace le parcours de cet homme courageux, si longtemps absent et mutique, arrivé d’Algérie en 1962, embauché comme manœuvre par la Société métallurgique de Normandie. Hommage à une génération d’immigrés, ce roman familial et autobiographique captivant résonne comme un cri de révolte contre l’injustice.

Un homme sans titre, Xavier Le Clerc aux Éditions Gallimard

Découvrir ma chronique de La Rivière de Laura Vinogradova aux Éditions Bleu et Jaune, traduit par Louise de Brisson, il a reçu le Prix de la littérature de l’Union Européenne en 2021.

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