Dans la même veine que les autres œuvres d’Elena Ferrante, un roman qui se situe à Naples, mais cette fois-ci dans les années 90.
Comme dans l’Amie prodigieuse, la narratrice prend corps à travers ses relations aux autres :
- dans le premier des cercles, il y a ses parents qui sont aussi des professeurs avec tout ce que cela comporte socialement et intellectuellement ;
- dans le second cercle, ses amies proches qui semblent vivre dans un environnement protégé mais ne sont pas à l’abri du chaos elles non plus ;
- dans le dernier cercle il y a sa famille éloignée et notamment sa tante Vittoria (la soeur de son père), personnage incendiaire et mystérieux.
Ces différents cercles se rattachent eux-mêmes à des lieux emblématiques :
- la maison parentale pour les premiers
- la maison cossue de ses amies dans un autre quartier de Naples
- et enfin le quartier populaire où vit la famille de son père, qui semble même ne pas avoir de nom pour lui (« le bout du bout de Naples » dit-il, un monde qui ne ressemble tout d’abord à rien en quelque sorte).
Tous ces cercles vont interagir entre eux au fur et à mesure que la narratrice les explore et en perce les secrets.
La ville de Naples dans son intégralité est presque perçue comme une entité vivante qui semble absorber les uns ou les autres des personnages et leur donner des caractères propres.
Les quartiers riches ou populaires rentrent en conflit à travers leurs représentants respectifs.
Giovanna va explorer son identité à travers ce prisme géographique, social ou psychologique.
C’est aussi le roman du passage à l’âge adulte avec tout ce que cela implique de renoncement, de changements physiques et psychologiques.
Il y a cette phrase qui va tout amorcer :
« Deux ans avant qu’il ne quitte la maison, mon père déclara à ma mère que j’étais très laide. »
Ici Elena Ferrante fait clairement référence à Madame Bovary : « C’est une chose étrange comme cette enfant est laide ! » c’est ce que dit Emma à propos de Berthe…
On le sait, cette phrase a profondément marqué l’auteur (elle le dit dans Frantumaglia).
Comment peut-on être laide dans les yeux de sa propre mère ? Comment une femme peut dire cela ?
Cette pensée a bouleversé Elena Ferrante, qui a longtemps cherché si réellement une mère pouvait dire cela, si finalement l’écriture de Flaubert en tant qu’homme l’avait empêché de se mettre vraiment à la place d’une femme, d’une mère.
Elle a dit vouloir soustraire cette phrase pour la mettre dans un de ses livres !
C’est chose faite ici, sauf qu’elle remet les choses dans l’ordre en mettant ces mots dans la bouche du père.
C’est le père qui dit cela à sa fille pas la mère.
Même si c’est finalement plus complexe que cela car il le dit en faisant référence à sa propre soeur : « elle est en train de prendre les traits de Vittoria.«
Une femme qui (Giovanna l’avait toujours entendu dire) « alliait à la perfection laideur et propension au mal ».
Tout le déroulé de l’histoire tend presque à démontrer si au fond il avait raison ou pas… Ou si au contraire c’est Giovanna qui va détricoter cette phrase et renvoyer à l’envoyeur son substantiel mépris.
Retrouvez plus de détails sur le site de l’éditeur…
𝗥𝗲́𝘀𝘂𝗺𝗲́ : «Deux ans avant qu’il ne quitte la maison, mon père dit à ma mère que j’étais très laide.»
Giovanna, fille unique d’un couple de professeurs, vit une enfance heureuse dans les hauteurs de Naples. L’année de ses douze ans, elle surprend une conversation dans laquelle son père la compare à Vittoria, une tante à la réputation maléfique. Bouleversée par ce rapprochement aussi dévalorisant qu’inattendu, Giovanna va chercher à en savoir plus sur cette femme. En fouillant l’appartement, elle déniche de rares photos de jeunesse sur lesquelles son père se tient aux côtés d’une personne mystérieusement recouverte de feutre noir. Elle décide alors d’aller à la rencontre de cette Zia Vittoria habitant les quartiers pauvres de Naples. Dans cette partie de la ville qui lui était inconnue, l’adolescente découvre un autre univers social, une façon d’être plus spontanée. Incitée par sa tante à ouvrir les yeux sur les mensonges et les hypocrisies qui régissent la vie de ses parents, elle voit bientôt tout le vernis du monde des adultes se craqueler. Entre grandes espérances et cuisantes désillusions, Giovanna cherche sa voie en explorant les deux visages de la ville, comme deux aspects de son identité qu’elle tente de concilier.
Et pour en savoir plus sur le processus d’écriture d’Elena Ferrante : retrouvez ma chronique Frantumaglia ici.