Corinne Luchaire un colibri dans la tempête, Carole Wrona

Corinne Luchaire, un colibri dans la tempête de Carole Wrona aux Éditions du 81

Nous ne la connaissons pas ou peu, pourtant, en son temps (les années 30-40), on aura considéré la jeune Corinne Luchaire comme étant de la même trempe qu’une Greta Garbo (aussi mystérieuse et lunaire)… jusqu’à ce qu’elle soit frappée d’indignité nationale et qu’on efface jusqu’à son nom des génériques de la dizaine de films tournés.

Ce personnage insaisissable aura fait tourner quelques têtes sur son passage… Seulement voilà, d’énigmatique à intrigante il n’y a qu’un pas qui a été allègrement sauté lorsqu’il aura fallu faire les comptes au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Alors que la plupart des français se privaient de manger, que d’autres se faisaient rafler ou prenaient le chemin du maquis, Corinne Luchaire – de son vrai nom Rosita Luchaire, Zizi pour les intimes – menait grand train et participait à de somptueuses soirées dans le sillage de son père Jean Luchaire mania de la presse collaborationniste…
Pour sa défense, il faut dire qu’elle n’était pas la seule, nombre d’artistes de l’époque firent preuve d’un patriotisme à géométrie variable et on ne s’en offusqua pas toujours…
Mais voilà, on la retrouve virevoltante en nightclub aux bras des hommes les plus monstrueusement influents (des nazis pour la plupart), monstrueusement insouciante de ce qui se passe autour d’elle… Tout conspire à faire d’elle “La Pompadour du 3e Reich” comme on la surnommera plus tard (on lui prêta même des liaisons avec Göring et Goebbels…).
Mais déjà, ce visage clair-obscur porte en lui les ressorts de la tragédie : atteinte de tuberculose, elle ne peut partager l’affiche avec son ami Charles Trenet pour Romance de Paris et se traîne, souffreteuse, de maisons de repos en sanatorium avant qu’un accident de voiture ne vienne encore aggraver son état de sa santé.
Ainsi se terminèrent les années de faste à la libération : son père est jugé et condamné à mort en 46, la même année, Corinne est condamnée à 10 ans d’indignité nationale, elle ne fera plus jamais de film.
Elle retourne pour ainsi dire à sa « Prison sans barreaux » (du nom d’un de ses premiers films, prémonitoire s’il en est) et retombe dans l’anonymat le plus complet. Elle meurt en 1950 des suites de sa maladie à seulement 29 ans.
Si Corinne Luchaire a écrit une autobiographie – Ma drôle de vie – le livre documentaire de Carole Wrona nous donne à voir une certaine vision de l’actrice, loin des fantasmes, elle me semble juste car elle ne tente ni de l’absoudre, ni de la juger.
L’édition est très complète, elle est enrichie de nombreuses photographies qui permettent de cerner un peu plus l’énigmatique Zizi…

À voir/lire également :
↳ l’œuvre de Patrick Modiano, hantée par son personnage
↳ Xavier Giannoli qui s’est inspiré de la vie de Jean et Corinne Luchaire pour un film qui devrait sortir en 2025.

Retrouvez plus d’infos sur le site de l’éditeur

  • Résumé :

En 1937, Prison sans barreaux de Léonide Moguy, révèle une jeune actrice de seize ans, blonde, racée, à la forte personnalité. Pendant trois ans, Corinne Luchaire, parfois comparée à Greta Garbo, enchaîne plusieurs films, dont Conflit et Le Dernier Tournant, première adaptation du Facteur sonne toujours deux fois. Atteinte de tuberculose, éloignée de l’écran pendant la Seconde Guerre mondiale, elle mène alors une « drôle de vie » (le titre de son autobiographie) de femme très libre. Son père est Jean Luchaire, patron de la presse collaborationniste, qui sera fusillé à la Libération. Frappée d’indignité nationale, oubliée, Corinne Luchaire meurt en 1950 à quelques jours de ses vingt-neuf ans. Cette réédition nous dévoile d’autres mystères de cette actrice hors pair, foudroyée en pleine ascension, qui hante notamment l’œuvre de Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature 2014.

Corinne Luchaire, un colibri dans la tempête de Carole Wrona aux Éditions du 81

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