Ce roman graphique est vraiment sombre et puissant, en découle un sentiment bizarre de malaise, une interrogation sur le jugement que nous portons sur l’homme qui a commis l’indicible et notre propre conscience et rapport au mal, à la liberté…
« Contrition village » aurait presque des allures de ville bien tranquille, mais tout ça semble en vérité n’être qu’une façade, car ici chaque maison est habitée par un délinquant sexuel, un pédophile… Après avoir purgé leur peine, c’est en effet ici qu’ils se regroupent.
Une sorte de prison à ciel ouvert – leur purgatoire ? – car il leur est interdit, selon la loi en cours en Floride, d’approcher à moins de 1000 pieds (approximativement 300 mètres) d’un endroit où se trouvent des enfants.
Cette loi existe vraiment, j’ai vérifié, il semble donc très compliqué pour ces hommes jugés indésirables, de trouver un logement qui répond à cette condition (loin des écoles, des parcs, d’une aire de jeux, etc.).
Les auteurs se sont d’ailleurs inspirés d’un endroit qui existe lui aussi : le « Miracle Village » (plusieurs articles ont déjà été publiés à ce sujet, je vous invite à les découvrir en ligne).
Comme dans son double réel, ces hommes vivent à Contrition village sous les auspices d’un prêtre évangélique qui les enjoint, pour la « paix de leurs âmes », à faire preuve de « contrition », c’est-à-dire d’un remord sincère…
Difficile toutefois de dire si ce remords est exprimé avec sincérité et s’il ne s’agit pas plutôt d’attrition, c’est-à-dire d’un remords intéressé par le fait de retrouver ici une certaine forme de liberté.
Seulement voilà, dans ce quotidien bien rodé, l’un des habitants vient d’être découvert mort, il semble s’être immolé par le feu, la police est sur place bien sûr mais une journaliste locale ne tarde pas à émettre des doutes sur ce suicide et n’aura de cesse que d’enquêter pour découvrir la vérité.
Le diable se cache parfois là où on ne l’attendait pas, cette histoire est pleine de sens et de complexité, c’est un bon sujet d’interrogation personnel sur la justice, le harcèlement, la vengeance, le sens du pardon, la liberté aussi. Les auteurs explorent ces thématiques vraiment sans jugement ou a priori.
J’avais déjà beaucoup aimé « Moi assassin » des mêmes auteurs, et j’ai retrouvé cette même ambiance en clair obscur, les découpes et la profondeur des traits qui posent un paysage très sombre mais aussi pesant, oppressant.
Antonio Altarriba signe une préface qui porte le récit et lui donne plus de clarté et je crois qu’elle était nécessaire pour comprendre pourquoi cette lecture est en fin de compte si troublante… Je vous laisse en juger.
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Résumé :
La loi très restrictive de Floride interdit à tout individu condamné pour délit sexuel de vivre à moins de 1 000 pieds d’un endroit où étudient ou jouent des enfants. C’est ce qui fait de Contrition Village un terrible ghetto de pédocriminels, violeurs et harceleurs. Et, forcément, quand une mort bizarre par immolation frappe l’un de ses résidents, l’enquête ne peut prendre qu’un tour de plus en plus noir à mesure qu’elle s’enfonce dans les ténèbres d’une Amérique hantée par le péché.
Découvrir ma chronique d’une autre BD dans un genre totalement différent (un coup de cœur !) : Zaroff, Sylvain Runberg & François Miville-Deschênes dans la collection Signé de Le Lombard.