Même s’il s’agit d’une fiction, l’autrice Océane Perona est extrêmement bien documentée sur le sujet : elle est sociologue de formation et a travaillé sur de nombreuses affaires de violences sexuelles, elle a notamment écrit une thèse sur « le consentement sexuel saisi par les institutions pénales » récompensée en 2018 par le prix Gabriel Tarde du ministère de la Justice.
On pourrait donc tout aussi bien baigner dans le vrai quotidien d’une brigade criminelle spécialisée dans les violences faites aux femmes.
La multiplicité des regards sur le sujet permet d’embrasser la problématique qui semble, à bien des égards, vertigineuse.
L’attention se porte sur les victimes principalement à travers le quotidien de deux femmes :
Ophélie, doctorante en sociologie (le double d’Océane Perona), qui a choisi de mener sa thèse dans ce service spécialisé pour analyser la façon dont les femmes victimes de violences y sont accueillies.
Héloïse qui y travaille et perçoit donc les choses de l’intérieur, consciente des difficultés inhérentes à sa profession (et du regard qu’on porte sur elle) mais aussi de la lourde tâche qui lui incombe (elle est en outre la seule femme du service…).
Océane Perona nous immerge dans l’histoire avec force de témoignages et d’affaires à résoudre. Ces deux personnages s’expriment à la deuxième personne pour parler d’elles-mêmes et mettre à nu leurs pensées, leur psyché.
Ce « tu » employé nous implique d’une certaine façon, il rend aussi ce récit presque biographique en faisant oublier qu’il s’agit d’une fiction (d’autant que, je le répète, c’est très réaliste).
Le sujet des viols et des innombrables classements sans suite (les témoignages sont souvent remis en cause, la faute rejetée sur le comportement de la victime), la difficulté d’aborder cette thématique du consentement (l’objectivité masculine), la misogynie ambiante qui n’épargne pas ces services dédiés à la protection des femmes : le regard est acide mais non moins lucide.
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Résumé :
Héloïse dort mal et boit trop de café. Dans son bureau du groupe Violences, les journées se suivent et les procès-verbaux d’audition de victimes de viol s’accumulent sur la table. Chaque jour, Héloïse a le sentiment de se démener pour rien, puisque la plupart de ses enquêtes sont classées sans suite. Mais lorsque Laura est violée et laissée pour morte dans son appartement, Ophélie, jeune sociologue stagiaire dans le groupe, voit Héloïse s’enflammer pour cette affaire hors normes. L’étudiante curieuse se rend vite compte que la brigade elle-même n’est pas épargnée par les violences.
Immersion dans le quotidien d’un service de police spécialisé, ce roman entremêle les voix de femmes, celles qui parlent et celles qui écoutent, celles qui sont victimes mais marchent et rient encore.
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