Antonio Rodriguez Castiñeira remet de l’humain dans l’économie en reliant les dernières catastrophes économiques à leur impact sur nos vies actuelles.
On a souvent l’impression que l’économie mondiale est déconnectée de l’humain, qu’elle avance sur un chemin parallèle. Mais parfois il y a des bifurcations et les chemins se percutent, ce qui d’ailleurs n’est pas très bon signe…
Lorsqu’en 2008, la banque Lehman Brothers fait faillite, elle n’a pas seulement affecté la vie de millions d’Américains… la crise mondiale qui a suivi par ricochet a engendré une catastrophe économique planétaire, une vague de plans de licenciement sur fond d’austérité généralisée.
Antonio Rodriguez Castiñeira fait le lien entre la crise des subprimes et les routes de l’émigration espagnole qui est aussi celle de son histoire personnelle entre la Suisse et la Galicie, la « Galifornia », la west coast galicienne (il a souvent emprunté le chemin de Compostelle Suisse-Galicie dans l’Ascona familiale lorsqu’il était enfant).
Il nous propose un road trip immersif sur la « route de la colère » pour y pister les stigmates bien visibles de la crise et ses ramifications.
En plus de décrypter pour nous le vocabulaire économique parfois inintelligible lorsqu’on n’en possède pas les clés, il est accompagné de deux objets indispensables qui témoignent à leur manière de la fragilité de nos systèmes économiques dans le présent, le passé et expliquent la montée des populismes et des colères.
Son précieux cahier rouge pour prendre des notes sur les témoignages bouleversants des naufragés de l’économie qu’il recevra durant tout son périple.
Et un livre, Les Raisins de la colère de Steinbeck, qui est le compagnon de route idéal étant donné les rapprochements que l’on peut faire entre les naufragés de la route actuels et le drame de la Grande dépression du Midwest américain qui a jeté les familles d’agriculteurs ruinées sur les routes (après le krach de 29 et les effets conjugués de la sécheresse et du Dust bowl).
C’est le classique de la littérature américaine à lire en complément. Je vous conseille également l’adaptation de John Ford (si l’idée de regarder un film en noir et blanc ne vous rebute pas…) : ce film est terrible !
J’ai un peu la « morriña » en refermant ce livre, ce voyage a été éreintant, car il est aussi synonyme de révolte, d’injustice et de temps volé à la vie des galiciens et de beaucoup d’autres victimes du système financier.
Et puis, j’ai maintenant très envie d’associer ce livre à une bande son, car il n’y a pas de voyage en voiture sans musique et Antonio Rodriguez Castiñeira en aura évoqué certaines que j’affectionne particulièrement…
Bon voyage !
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Résumé :
« À force de sauter d’un avion à un autre pour couvrir un sommet économique à Singapour ou au Japon, je survolais une planète que je croyais connaître. Si je mesurais la gravité des mots que j’employais dans mes articles, je n’avais pas forcément conscience du sort des victimes. Il a fallu que ma mère tombe gravement malade dans les années qui suivirent la chute de Lehman Brothers pour que j’éprouve dans ma chair la violence des mesures que j’énumérais dans mes articles. »
Plus de quinze ans après la chute de Lehman Brothers, quels stigmates a laissé à l’Europe la crise de 2008 ? Antonio Rodriguez Castiñeira, journaliste économique, navigue sans peine dans le vocabulaire technique des puissants de ce monde. À bord d’un étonnant taxi qui le mène des côtes galiciennes, région pauvre du Nord de l’Espagne, jusqu’à à la Suisse, il emprunte les routes de l’émigration espagnole et rencontre ceux qui ont dû partir, ceux qui sont rentrés et ceux qui ne sont jamais partis. À travers leurs récits, il renoue avec sa propre histoire et plonge dans les conséquences bien réelles d’une crise qui, pour beaucoup, reste abstraite.
Un road-trip économique et intime qui dessine peu à peu le portrait d’un continent fracturé et livre une clé pour comprendre la colère qui monte partout en Europe.
