Jours de sable, Aimée de Jongh

Jours de sable, Aimée de Jongh

Coup de cœur pour ce magnifique album d’Aimée de Jongh !

Les dessins et photos y sont d’une puissance bouleversante, le scénario lourd et fiévreux…

Il m’a beaucoup fait penser à ce monument de la littérature américaine : Les raisins de la colère de Steinbeck (j’ai maintenant très envie de le relire car ça fait une éternité…).

En effet, on retrouve dans ce roman graphique cette même thématique de la grande dépression des années 30, combinée à l’épisode de « Dust bowl » qui auront au final occasionné la ruine de beaucoup d’agriculteurs américains.

Le « dust bowl » est un phénomène qui a touché l’Amérique dans sa chair et qui a profondément marqué les esprits : des vents de poussières qui balayaient tout sur leur passage et ont ruiné des fermiers déjà fragilisés par la grande dépression, des familles obligées de fuir parce que leurs enfants finissaient par tomber malades et qu’elles n’avaient plus de quoi les soigner ou les nourrir…

Une crise écologique, économique et humanitaire : une hécatombe !

Ce mélange de terre et de poussière est encore pire que le sable, il est plus fin et plus sournois : il s’insinue dans chaque interstice et pénètre sauvagement les voies aériennes, les poumons… La poussière tue les hommes et la nature devient stérile.

C’est ce qui se passe lorsqu’on décide de faire d’une prairie verte en surface de vastes champs en monoculture et de sur-labourer en zone potentiellement aride. La surface finit par s’appauvrir, ne reste que la terre et la poussière, et lorsqu’une sécheresse plus intense survient elle provoque ce genre de désastre.

Si le dust Bowl qui a dramatiquement touché cette zone qui s’étend entre l’Oklahoma, le Kansas et le Texas est un phénomène rare (il a disparu avec le retour de la pluie en 1939), il n’en reste pas moins que le risque existe toujours (d’après les spécialistes) et on pourrait voir réapparaître ce fléau à la faveur du réchauffement climatique…

Alors dans cette bd il y a bien sûr cette première trame, mais il n’y a pas que ça : l’autrice parle aussi du rapport que l’on entretient à l’image et du métier de journaliste/photo-reporter (on a tous, un jour, été touché par certains clichés, comme cette photo d’une mère migrante prise par Dorothea Lange).

Cette photo a-t-elle pour objet de dénoncer ou de faire du sensationnel ? Pourquoi fait-on les choses ? Quel sens donner à ce métier ? Humanisme ou voyeurisme ?

C’est bien par la photo qu’Aimée de Jongh s’est intéressée à l’histoire du Dust Bowl, touchée par la vision d’une maison prise dans un insondable nuage de poussière.

Plus tard, titulaire d’une bourse pour son projet, elle s’est rendue aux États-Unis pour s’imprégner des lieux et refaire la route des « migrants climatiques » qui fuyaient vers la Californie (le compte-rendu de son voyage est disponible sur son site, c’est évidemment très intéressant !).

Incroyablement, ce roman graphique est peut-être le seul à évoquer le dust bowl !

Il faut le lire ! Je compte sur vous, pas de déception possible…

Retrouvez plus d’infos sur le site de l’éditeur

  • Résumé :

Washington, 1937. John Clark, journaliste photoreporter de 22 ans, est engagé par la Farm Security Administration, l’organisme gouvernemental chargé d’aider les fermiers victimes de la Grande Dépression. Sa mission : témoigner de la situation dramatique des agriculteurs du Dust Bowl. Située à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas, cette région est frappée par la sécheresse et les tempêtes de sable plongent les habitants dans la misère.

En Oklahoma, John tente de se faire accepter par la population. Au cours de son séjour, qui prend la forme d’un voyage initiatique, il devient ami avec une jeune femme, Betty. Grâce à elle, il prend conscience du drame humain provoqué par la crise économique. Mais il remet en question son rôle social et son travail de photographe…

Après Le Retour de la bondrée (Prix Saint-Michel du meilleur album) et L’Obsolescence programmée de nos sentiments (en collaboration avec Zidrou, Prix d’argent du Japan International Manga Award), Aimée de Jongh signe un récit émouvant, inspiré par des faits historiques et nourri par un séjour sur place.

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